Pour divers motifs, notamment fiscaux, sociaux et patrimoniaux, il est de plus en plus fréquent de voir apparaître au sein des groupes de sociétés, des conventions liant certaines d’entre elles, les obligeant ainsi à fournir diverses prestations. Nous allons nous intéresser ici aux conventions de prestations de services dites conventions de « management fees ».
Ces dernières intéressent par nature les services fonctionnels et regroupent généralement les domaines administratif, comptable, financier, fiscal et juridique.
Les management fees, c’est quoi ?
Les management fees sont des transactions payées à la holding par la filiale, en contrepartie de services administratifs rendus et d’une implication dans la gestion et / ou la définition de la stratégie. La convention de management fees est donc conclue entre deux sociétés faisant partie d’un même groupe ou ayant un dirigeant commun. La convention regroupe une société mère « prestataire » et une société fille « bénéficiaire », et ont pour objet de confier à l’une l’exécution de certains services administratifs et une assistance dans la gestion ou la direction en contrepartie de « management fees ». Il s’agira en général de prestations de RH, de paye, comptabilité, et de direction commerciale et marketing.
La convention de prestations mère-fille est souvent utilisée dans des conditions financières optimales pour des raisons opérationnelles, fiscales, sociales ou patrimoniales. La convention des management fees permet notamment de compléter la distribution des dividendes attendus de la cible acquise, afin de permettre le remboursement par le holding de l’emprunt souscrit dans le cadre d’un LBO. Cependant, ce type de montage n’est pas sans risque juridiques et fiscaux, et la jurisprudence est intervenue plusieurs fois pour le limiter.
L’exercice des fonctions de dirigeant par la société prestataire est une pratique très encadrée
La jurisprudence a, de nombreuses reprises, invalidé pour absence d’objet, les conventions de management fees qui prévoyaient l’exercice des fonctions de dirigeant social par la société mère.
jurisprudences management fees :
en 2010, il s’agissait de la société X (Société Anonyme) qui avait conclu avec la société Y créée et contrôlée par le DG de la société X une convention dans laquelle la société Y devait fournir à la société X des prestations de service de développement commercial, industriel, gestion des RH, gestion administrative et financière et de la stratégie, une prestation de direction.
La Cour de cassation a invalidé cette convention considérant qu’elle faisait double emploi avec la mission légale du directeur général et était donc dépourvue de cause. Elle a également considéré que la rémunération du DG de la société X relèvait exclusivement du conseil d’administration (organe de décision de la SA) et ne peut donc être fixée par une convention de « management fees ». Le DG ayant été uniquement rémunéré par l’application de cette convention.
en 2012, il s’agissait de la société M (Société Anonyme) qui avait conclu avec la société N (EURL dont le gérant était le DG de la société M)
La cour d’appel a annulé la convention de management pour absence de cause et a jugé non valide que la rémunération du DG de la société M ait été réduit de moitié pour tenir compte des prestations fournies par sa société N.
La chambre commerciale de la Cour de cassation amenée à se prononcer sur la validité même de la convention a considéré « que la convention n’étant fondée que sur des obligations rattachées à la société M… étaient dépourvues de contrepartie réelle, (…) que la convention litigieuse était dépourvue de cause et devait en conséquence être annulée ».
en 2013, la société V est une SAS qui a conclu avec une entreprise individuelle (W) créée par le directeur général de la SAS V une « convention d’assistance, de management et de gestion » par laquelle l’entreprise W avait une mission d’assistance et de conseil « dans les domaines du management, de stratégie de développement et de la croissance externe, d’organisation, de comptabilité, de gestion financière, de management des systèmes d’information ».
La cour de Cassation a jugé que cette mission « constitue une délégation d’une partie des fonctions de décision, de définition des stratégies, de gestion et de représentation qui incombent au directeur général d’une société » et que la convention faisait ainsi « double emploi avec les missions dévolues » au directeur général.
La Cour Administrative d’Appel de Paris a rendu en octobre 2018 une décision au titre de laquelle elle confirme la remise en cause de la déductibilité de montants afférents à des factures intra-groupe émises par une société mère et revêtues de l’unique mention « managements fees ».
Conclusion : Votre convention ne peut servir à externaliser les missions rattachées à la fonction de dirigeant de société et amputer votre rémunération actuelle.
Alors, cela veut-il dire que l’on va vers la fin du système des « management fees » au regard des évolutions jurisprudentielles… dans tous les cas le système est une affaire de spécialiste qui maîtrise cette législation. Certaines précautions doivent être prises afin d’éviter une rectification fiscale des conditions de la convention ou une remise en cause juridique du contrat. Car il y a d’autres stratégies pour donner un autre motif juridique aux facturations entre une société et sa holding.
Sécuriser les conventions de management fees :
- Nommer la société holding en qualité de dirigeante de sa/ses société(s) filiale(s) et la rémunérer à ce titre (plutôt que de désigner un dirigeant personne physique de la filiale investi des mêmes fonctions du fait de son mandat social). Attention dans ce cas, les sociétés filiales ne peuvent être que des sociétés admettant une direction exercée par une personne morale, ce qui n’est pas le cas de la SARL par exemple.
- La convention doit avoir pour objet des prestations distinctes du mandat social. Les conditions de rémunération et de résiliations doivent être distinctes entre les fonctions de pure gestion et les fonctions de direction.
- Les conventions de prestation de service conclues entre une société et son dirigeant font l’objet d’une suspicion particulière et sont soumises à la procédure des conventions réglementées.
- Chaque opération de restructuration ou de sortie de groupe doit conduire à un réexamen des conventions de management fees en vue de leur résiliation ou de leur renégociation.
- Pour éviter que ces conventions ne soient remises en cause au niveau juridique, fiscal et pénal, il est important, dans le cadre de conventions inter-sociétés, de les faire approuver en tant que conventions réglementées et d’avoir des éléments permettant de justifier le montant des rémunérations. Pour cela, une permanence des critères et des éléments objectifs sont nécessaires pour déterminer le montant de la contrepartie. Pour exemple une société ayant versé 4% de son chiffre d’affaires en rémunération mais ayant justifié ce montant auprès de l’administration a pu échapper à une rectification fiscale.